Les musiciens
Claude Debussy (1862-1918)
Né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, Claude Debussy est un compositeur français et le principal représentant de l’école de musique impressionniste. Fils de marchands faïenciers, il entre au Conservatoire de Paris en 1872 à l’âge de dix ans où il se révèle être un élève dissipé et intelligent. L’été 1880, il se rend en Suisse à Interlaken pour y rejoindre Nadejda von Meck et ses enfants.
L’année suivante, Debussy publie sa première œuvre, Nuit d’étoiles. À l’âge de vingt-quatre ans, il remporte le premier prix de Rome, ce qui lui permet d’obtenir une bourse et un séjour de trois ans à la Villa Médicis. Mais au bout de deux ans, il donne sa démission et revient à Paris en 1887.
Dès son retour, il fréquente les mardis de Stéphane Mallarmé et le salon de la famille de Léopold Stevens. En 1893, Debussy assiste à l’unique représentation de Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck au Théâtre des Bouffes-Parisiens au côté de Mallarmé. Le 22 décembre 1894, est jouée la première de son Prélude à l’après-midi d’un faune à Paris.
Cinq ans plus tard, il rencontre Déodat de Séverac à l’occasion de la création des Cors – une mélodie du jeune compositeur du Midi – à la Société nationale de musique. Dès lors, les deux musiciens sont amenés à se revoir et à se croiser, nourris d’une estime réciproque. Debussy marque plus d’une fois son soutien à Déodat : il l’encourage à monter le Cœur du Moulin, il prend sa défense au moment d’Hélène de Sparte, et il est souvent présent aux premières des créations de Séverac, comme c’est le cas pour les Nymphes au crépuscule ou encore le Chant de la terre.
Le 30 avril 1902 a lieu la première de Pelléas et Mélisande de Debussy à l’Opéra-Comique. Déodat de Séverac assiste, subjugué, à quatorze représentations, à la période où il compose Le coeur du moulin, et cet immense opéra l’inspire et le déstabilise. En 1903, Debussy publie un recueil de trois pièces intitulé Estampes comprenant Pagodes, La Soirée dans Grenade et Jardins sous la pluie. En 1905, il demande à Jacques Durand d’illustrer la couverture de La Mer d’un bois gravé inspiré de La Vague d’Hokusai, innovant par rapport aux conventions de l’édition musicale française du temps, tout en manifestant une prédilection commune à nombre de ses contemporains.
Le compositeur est un personnage élégant, quelque peu misanthrope, dédaigneux à l’occasion. Il meurt le 25 mars 1918 à l’âge de cinquante-six ans, laissant derrière lui deux cent vingt-sept œuvres musicales.
Maurice Ravel (1875-1937)
Né le 7 mars 1875 à Ciboure, Maurice Ravel est un compositeur français. Ses parents, un ingénieur et une modiste, s’installent définitivement à Paris en juin 1875 alors que Ravel n’est âgé que de quelques mois. Il commence le piano dès l’âge de six ans et entre au Conservatoire de Paris en 1889.
Ravel fréquente de nombreux salons parisiens, comme celui de Madame de Saint Marceaux où il est introduit par Gabriel Fauré, et où il côtoie Déodat de Séverac. En 1900, le groupe des Apaches se cristallise autour de lui. Dandy raffiné et caustique, Ravel est le centre et l’animateur principal de cette bande de jeunes artistes qui communient autour de l’admiration et la promotion de l’œuvre de Debussy. Ce groupement esthétique qui se réunit une à deux fois par semaine voit arriver dans ses rangs Ricardo Viñes, avec qui il se lie d’amitié, et Séverac à partir de 1903.
En plus des salons parisiens où ils se croisent, les deux musiciens se retrouvent à l’abbaye de Fontfroide (Aude), où Ravel prend volontiers ses quartiers d’été. En novembre 1902, Déodat est renouvelé au comité de lecture de la Société nationale de musique où siège Maurice Ravel.
Maurice Ravel tente sa chance à plusieurs reprises au prix de Rome, sans succès de 1900 à 1905. Il compose des œuvres telles que Jeux d’eau, Ma mère l’Oye ou Gaspard de la nuit, à cette période. Le 30 avril 1902 a lieu la première de Pelléas et Mélisande de Debussy à l’Opéra-Comique, à laquelle Déodat assiste au côté de Ravel.
À l’époque des Apaches, les relations entre Maurice Ravel et Déodat de Séverac apparaissent cordiales. Toutefois, elles s’altèrent dès lors que la carrière de Déodat s’affirme. Une affaire de plagiat les oppose en 1906. Ravel avait été accusé par le critique Pierre Lalo dans Le Temps, de plagier dans sa Barque sur l’océan (Miroirs), œuvre à succès, Vers le mas en fête, issu de la suite En Languedoc de Séverac. Ce dernier ne lui en tiendra pas rigueur.
En 1910, et par opposition à la Société nationale de musique, Ravel fonde la Société musicale indépendante avec Charles Koechlin et Florent Schmitt.
Déodat de Séverac achève en 1919 la partition de Sous les Lauriers-roses. Elle est alors jugée comme l’une de ses plus belles réussites par Maurice Ravel.
Après la mort de Debussy en 1918, Ravel sera considéré comme le plus grand compositeur français vivant.
Il meurt le 28 décembre 1937 à Paris.
Isaac Albéniz (1860-1909)
Né le 29 mai 1860 à Camprodon (Espagne), Isaac Albéniz est professeur à la Schola Cantorum de 1898 à 1901 où il rencontre Déodat de Séverac. Ce dernier enrichit sa technique pianistique auprès d’Isaac, puis il devient son assistant et son ami. Albéniz fait partie des créateurs qui se réclament d’une certaine identité nationale et avec qui Déodat se découvre le plus d’affinités.
Déodat et Isaac se croisent notamment dans les différents salons de Paris. À l’occasion des fêtes pascales de 1907, Déodat est invité par Isaac au château Saint-Laurent qu’il occupe dans le quartier des Baumettes à Nice. Les après-midis se passent au château, à improviser, Albéniz à l’orgue, Déodat au piano. Isaac présente partout Déodat de Séverac comme « l’étoile du jour » et les chefs d’orchestre locaux lui passent commande.
Déodat se reconnaît pleinement en Isaac, ils sont frères de musique et ont la même attirance du Midi. Ils manifestent le même intérêt pour un folklore qui, réinventé, musique de la réminiscence et d’impressions, régénère le langage musical. Comme Albéniz, Séverac aime les foules bigarrées, les fêtes, les sardanes, les défilés, les chants, leur piété démonstrative.
Le 18 mai 1909, Isaac Albéniz meurt à l’âge de quarante-neuf ans à Cambo-les-Bains. Deux ans plus tard, sa fille Laura Albéniz demande à Déodat d’achever Navarra, la dernière pièce du quatrième cahier d’Ibéria dont son père a laissé le manuscrit incomplet à sa mort. La même année, la deuxième pièce de Cerdaña de Déodat de Séverac, Les Fêtes, est dédiée à Laura, et on y sent l’influence de son ami à qui il rend hommage. Ce n’est pas la seule œuvre de Séverac où le nom d’Albéniz apparaît. En effet, en 1919, Déodat dédie Sous les lauriers roses à trois de ses maîtres : Emmanuel Chabrier, Charles Bordes, et Isaac Albéniz. Tout comme Séverac, Albéniz reçoit la Légion d’honneur juste avant sa mort.
Blanche Selva (1884-1942)
Blanche Selva est née le 29 janvier 1884 à Brive-la-Gaillarde. Dès son plus jeune âge, elle manifeste des dons exceptionnels pour le piano et donne son premier concert public à Lausanne à l’âge de treize ans seulement. En 1902, Vincent d’Indy, séduit par son jeu unique, sa technique infaillible, son assurance et sa sonorité remarquable, reconnaît en elle un talent rare et l’engage en tant que professeure de piano à la Schola Cantorum. Elle n’a que dix-huit ans. Par suite, Blanche Selva contribue de façon très active au rayonnement de la Schola, école à laquelle elle reste liée pendant près de dix-neuf ans.
Elle fait la connaissance de Déodat de Séverac dans la classe de composition de Vincent d’Indy avec qui elle noue des liens de camaraderie qui évoluent rapidement en très forte amitié. Blanche, qui admire profondément l’œuvre de son ami, devient l’une de ses plus brillantes et dévouées interprètes. Elle crée le Chant de la terre à la Société nationale de musique en 1903, la version intégrale d’En Languedoc le 3 février 1906 ou encore la première audition des Baigneuses au soleil en 1909. Le 29 juin 1918, le musicien-soldat qu’est Déodat a la joie de retrouver Blanche Selva à Perpignan, qui donne un concert caritatif où elle joue notamment Cerdaña. Déodat, qui envisageait alors de retravailler ses Études Pittoresques, décide de ne rien changer après avoir entendu l’interprétation de son amie qui l’a ému jusqu’aux larmes. Pourtant, sur la sollicitation de Blanche, il retouche finalement son Christ de Llivia pour marquer son estime et sa gratitude à l’égard de la plus fidèle de ses interprètes. Quelques semaines plus tard, ils fondent ensemble, avec Monseigneur de Carsalade du Pont et Joseph Marty, la Société des amis du grégorien. L’année suivante, Déodat de Séverac compose L’Encens et La Myrrhe, suite pieuse dédiée à Blanche Selva.
Interprète éclectique, la pianiste joue pendant près de trente ans un rôle cardinal dans la diffusion des œuvres pianistiques de tous les musiciens de la Schola. Sa connaissance intime de la vie et de la personnalité de Déodat de Séverac la conduira à écrire la toute première monographie consacrée au compositeur.
Elle meurt le 3 décembre 1942 à Saint-Amant-Tallende.
Carlos et René de Castéra (1867-1943 ; 1873-1955)
Respectivement nés en 1867 et en 1873 à Dax, Carlos et René Castéra comptent parmi les premiers proches de Déodat de Séverac. Alors que Carlos a choisi la peinture, René s’engage dans la musique et fait partie avec Déodat de la première promotion de la Schola cantorum.
Ensemble, ils suivent les cours de paléographie musicale dispensés par les pères Dom André Mocquereau et Dom Delpech et sont inscrits dans la classe de composition de Vincent d’Indy.
Du 9 au 15 juillet 1897, les deux condisciples se rendent au voyage organisé par Bordes à l’abbaye de Solesmes dans la Sarthe – haut-lieu de l’interprétation du chant grégorien – et deviennent amis et confidents.
Lors de cette période, Blanche Selva surnomme le trio « la taupe et les petits grillons ».
Le lundi, ils tiennent un salon de musique où se retrouvent entre autres Albéniz, Canteloube, d’Indy, Magnard, Poujaud, Roussel, Willy, Colette…
René fonde l’Édition Mutuelle en 1902, qu’il dirigera avec son frère Carlos. En publiant un nombre important de pièces de Séverac, les deux frères œuvreront efficacement à la diffusion de l’œuvre de leur camarade.
Compositeur et pianiste, René laisse plusieurs pages élégantes et un chef-d’œuvre, son ballet Nausicaa.
Le 27 mai 1908, Déodat est le garçon d’honneur de René, qui épouse Claire L’Hôpital au château des Bordes à Brétigny-sur-Orge.
Déodat dédie le Ménétriers et Glaneuses de sa suite Cerdaña à Carlos.
Carlos disparaît en 1943. René quant à lui, mourra douze ans plus tard, en 1955.
Ricardo Viñes (1875-1943)
Né le 5 février 1875 à Lérida (Lleida), Ricardo Viñes est un compositeur et pianiste espagnol.
En 1883, il commence le piano à l’âge de huit ans. Quatre ans plus tard, le jeune prodige obtient un premier prix du Conservatoire de Barcelone. Ses parents décident de s’installer à Paris afin de favoriser la carrière de musicien de leur fils. Après quatre échecs successifs, Ricardo obtient le premier prix du Conservatoire de Paris le 21 juillet 1894. En 1900, il se produit régulièrement aux concerts organisés par la Schola Cantorum. Cette même année, il fait des rencontres musicales déterminantes : Gabriel Fauré, Maurice Ravel et Claude Debussy. Ricardo Viñes crée de nombreuses pièces de ce dernier dont il devient l’un des interprètes de prédilection. Les deux hommes se lient d’une amitié profonde et Viñes accompagnera les derniers instants de Debussy en 1918.
Les fréquentations artistiques du pianiste catalan dans le Paris des années 1900 sont nombreuses. Ricardo se rend aux dimanches de Colette, est l’ami de la comtesse de Noailles, Henri-Ghéon, Henri de Régnier et Paul Valéry. En 1901, il fait la connaissance de Pablo Picasso avant de rencontrer Déodat de Séverac. Déodat et Ricardo entretiennent dès lors une amitié durable qui ne s’essoufflera jamais. En 1903, Déodat emménage non loin de l’appartement parisien où habitent Ricardo et sa mère. Les deux hommes se fréquentent d’autant plus régulièrement. Ils se retrouvent par ailleurs dans divers salons musicaux : chez Misia Sert, Cyprien et Ida Godebski, la princesse de Polignac ou la princesse de Cystria. L’un et l’autre participent aux rendez-vous hebdomadaires des Apaches de Maurice Ravel.
Ricardo conserve des liens avec Déodat après son départ de Paris à la fin 1909. A l’été 1910, alors que se déroulent les répétitions et représentations à Béziers de la tragédie lyrique Héliogabale de Séverac, Ricardo et Déodat séjournent à l’Abbaye de Frontfroide où ils retrouvent leur ami Odilon Redon qui les immortalise sur sa toile La Nuit. Ce même été, Ricardo fait découvrir sa Catalogne natale à son ami.
La Première Guerre mondiale les sépare. Les deux hommes ne se reverront qu’en 1920 à Toulouse.
Ricardo compte parmi les interprètes majeurs et plus ardents défenseurs de l’œuvre du compositeur qui lui dédie en retour sa suite pour piano En Languedoc.
Ricardo Viñes décède le 29 avril 1943 à Barcelone à l’âge de 68 ans.
Les écrivains
Frédéric Mistral (1830-1914)
Frédéric Mistral est un poète français né le 8 septembre 1830 à Maillane. Fils d’un paysan aisé, Mistral fait ses études secondaires à Avignon où il acquiert une solide formation classique ; il s’y passionne alors pour Virgile, Hésiode et Homère. Il passe son baccalauréat à Nîmes avant de se rendre à Aix-en-Provence où il étudie le droit.
Très jeune, il écrit déjà en provençal, ce qui le fait remarquer par son jeune maître, Joseph Roumanille. À Aix, il fréquente les milieux provençalistes et le 21 mai 1854 il fonde avec six amis de l’école provençale – dont Joseph Roumanille et Théodore Aubanel – le Félibrige. Cette association œuvre pour la diffusion et la restauration des poètes anciens en créant une littérature originale en langue d’Oc.
En 1898 a lieu la première rencontre entre Déodat de Séverac et Frédéric Mistral à l’occasion d’un Concert spirituel où Mistral propose un poème, La Coumunioun di Sant, illustré par Alix, la sœur aînée de Séverac. Initié très tôt à la culture félibréenne, Déodat admire tout particulièrement la poésie provençale de Frédéric Mistral, qui devient très vite sa véritable idole, presque son seul maître à penser. Dès sa rencontre avec Mistral, Séverac assiste aux réunions du cercle parisien du Félibrige qui se réunit au Café Voltaire, place de l’Odéon. C’est par le biais de Mistral que Déodat rencontre sa future épouse : le compositeur assiste à la représentation du Mireia du poète à Castelnaudary. Profondément séduit par l’actrice qui tient le rôle-titre – Henriette Tardieu, une modeste fille de coiffeur – il entreprend de faire d’Henriette sa propre Mireille. À la naissance de leur fille Magali en 1913, Déodat de Séverac choisira Mistral comme parrain.
En 1904, Mistral reçoit le Prix Nobel de littérature pour son œuvre en langue d’Oc, signe d’une légitimation et d’une reconnaissance de la langue d’Oc au sein des grandes langues universelles. Le 11 mai 1913 à Aix-en-Provence, lors des traditionnelles fêtes félibréennes provençales de la Sainte-Estelle, Déodat de Séverac participe à l’hommage rendu à Frédéric Mistral, le poète du pays. Frédéric Mistral meurt le 25 mars 1914.
Colette et Willy (1873-1954 / 1859-1931)
Sidonie Gabrielle-Colette, dite Colette, née en 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, est romancière. À vingt ans, elle épouse Henry Gauthier-Villars, dit Willy, né en 1859 à Villiers-sur-Orge. Écrivain à scandales, journaliste, critique musical et personnalité en vue du Tout-Paris, il publie sous son propre nom et sous différents pseudonymes une centaine d’ouvrages, dont la série de romans autobiographiques les Claudine, entièrement rédigée par sa femme. Nombre de ses articles sont l’œuvre de « nègres » dont Déodat de Séverac fait partie pendant quelques temps.
C’est à l’occasion d’un concert Wagner en 1901 que Déodat fait la rencontre du couple Colette-Willy. Par la suite, le compositeur les côtoie dans diverses soirées, en particulier chez les de Serres. En 1903, Déodat met en musique un des poèmes de Willy, Temps de neige. Colette, est sollicitée par Séverac pour son Soldat de plomb, petite suite pour piano à quatre mains que lui a commandée René de Castéra. Mais Colette, grippée et surchargée de travail, ne donnera pas suite au projet et Séverac en rédigera lui-même l’argument.
Willy meurt en 1931. Colette, première femme élue à l’Académie Goncourt, disparaît quant à elle en 1954.
Les peintres
Pablo Picasso (1881-1973)
Né le 25 octobre 1881 à Malaga, Pablo Picasso est un peintre et sculpteur espagnol. Fils d’un professeur de dessin, il entre à l’École des Beaux-Arts de Barcelone en 1896.
En octobre 1900, âgé de dix-neuf ans, il décide de partir à Paris avec son ami peintre Carlos Casagemas. L’année suivante, il rencontre le marchand d’art et galeriste Ambroise Vollard, notamment réputé pour avoir révélé les œuvres de Paul Cézanne, Auguste Renoir et Paul Gauguin. À partir de 1904, Picasso s’installe au Bateau-Lavoir puis il rencontre Guillaume Apollinaire et Henri Matisse.
Manolo, avec qui Picasso est ami depuis leur rencontre en 1895 à Barcelone, présente Déodat de Séverac au peintre et à sa fameuse bande (Max Jacob, André Salmon, Juan Gris, Guillaume Apollinaire). Déodat a surtout ressenti un vif et profond sentiment d’amitié pour Picasso. En 1907, Picasso achève la réalisation des Demoiselles d’Avignon, considérée comme l’œuvre fondatrice du cubisme.
En juillet 1911, alors que Déodat de Séverac séjourne à Céret en compagnie de Manolo et Frank Burty Haviland, Pablo Picasso, Georges Braque, Max Jacob et Moïse Kisling viennent les rejoindre. Dès lors, c’est l’avènement du cubisme. Picasso se met vite au travail, mais il est contraint de retourner précipitamment à Paris, étant accusé d’avoir joué un rôle dans l’affaire du vol de la Joconde avec Apollinaire. Pendant trois ans, Picasso fait de nombreux allers-retours à Céret. Au total, il y reste six mois.
Le peintre réalise deux portraits de Déodat de Séverac : le premier en 1911 lors de son premier séjour à Céret, et le second en 1951, à l’occasion du trentième anniversaire de la disparition du compositeur, assorti d’un témoignage d’amitié touchant.
Pablo Picasso, alors considéré comme génie du 20ème siècle, meurt le 8 avril 1973 à Mougins.
Odilon Redon (1840-1916)
Né le 20 avril 1840 à Bordeaux, Odilon Redon est un peintre et graveur français. Dès son enfance à la campagne, il se lance dans le dessin et obtient son premier prix alors qu’il ne sait pas encore lire. En 1855, il commence à prendre des cours de dessin auprès du peintre Stanislas Gorin. À l’âge de dix-sept ans, par obligation de ses parents, Odilon suit des études d’architecture, mais il échoue à l’oral.
Sept ans plus tard, il est admis à l’atelier du peintre académique Léon Gérôme à Paris, pour une année d’enseignement difficile. De retour sur Bordeaux, le peintre fait la connaissance de Rodolphe Bresdin qui l’initie à la gravure et à la lithographie. En 1879, il publie une première séquence de lithographies, Dans le rêve, qui soulève l’enthousiasme de l’écrivain Joris-Karl Huysmans. Au cours des deux dernières décennies du XIXème siècle, Odilon Redon se lie d’amitié avec Paul Gauguin.
Il devient également ami avec Déodat de Séverac, si bien que le compositeur est invité aux fameux vendredis hebdomadaires du peintre. Les deux amis se retrouvent également dans le salon de la Princesse de Cystria. Odilon Redon compte parmi les peintres préférés de Déodat de Séverac. Les thèmes de certaines des compositions du musicien ne sont pas éloignés des sujets peints par Odilon Redon. Par exemple, la mélodie Un rêve sur un poème d’Edgar Allan Poe traduit par Stéphane Mallarmé, a été composée par Séverac d’après les lithographies du même nom d’Odilon Redon. D’ailleurs, la mélodie lui est dédiée.
Comme ses amis peintres, Séverac puise son inspiration dans la contemplation de l’univers qui l’entoure. Odilon Redon passe commande à Déodat d’une musique de chambre pour accompagner une pièce en vers, Le Mirage, de son ami lorientais Léon Damart. Elle est créée en 1903.
En septembre 1910, Déodat se rend à l’abbaye de Fontfroide (Aude) où Odilon et Ricardo Viñes séjournent. Le peintre y est venu achever la décoration de la bibliothèque entreprise en 1909. Dans La Nuit, immense panneau qui fait face au Jour, il fait figurer le visage de ses amis Séverac et Viñes.
Odilon Redon meurt le 6 juillet 1916 à Paris.
Frank Burty Haviland (1886-1971)
Frank Burty Haviland, né le 16 octobre 1886 à Limoges, est un peintre français. Fils d’un riche industriel qui dirige une fabrique de porcelaine à Limoges, Frank refuse de travailler dans l’entreprise familiale et décide de se consacrer à une carrière artistique. Son père le désapprouve et rompt le lien.
L’artiste trouve pourtant plus de compréhension du côté de sa mère, fille de Philippe Burty, ami de Delacroix et protecteur des impressionnistes.
En 1904, il termine ses études secondaires à l’École des Roches puis s’installe à Paris dans un atelier de Montparnasse. Cette même année, Ricardo Viñes lui fait rencontrer Déodat de Séverac. L’entente est immédiate, Séverac devient son ami et son confident et l’encourage dans sa vocation d’artiste-peintre. En 1905 le jeune Burty part en Allemagne pour se former. Il gagne ensuite New York entre où il séjourne jusqu’en 1908. C’est dans cette ville qu’il accomplit ses premières œuvres.
En janvier 1910, il s’installe définitivement à Céret avec Manolo. Dédat rejoint les deux compagnons et s’installe dans la capitale du Vallespir. Invité par ces derniers, Picasso et Braque séjournent à leur tour à Céret en 1911. Cette amitié artistique scellera les liens entre la petite ville et l’aventure du cubisme. À la suite de ces pionniers, de nombreux artistes de premier plan séjournent et peignent dans la capitale du Vallespir.
Déodat dédit à Frank Les muletiers devant le Christ de Llivia de sa suite pour piano Cerdaña.
Le 8 janvier 1914, Frank se marie avec Joséphine Laporta. Déodat et son épouse Henriette sont les témoins des jeunes mariés et le compositeur assure le service d’orgue lors de la cérémonie à l’église.
En 1950, Frank crée le Musée d’art moderne de Céret avec Pierre Brune.
Frank Burty Haviland meurt en novembre 1971 à Perpignan.
Manuel Martinez Hugué (dit Manolo) (1872-1945)
Manuel Martinez Hugué est né le 30 avril 1872 à Barcelone. Élevé seul par sa mère dans une extrême pauvreté, le futur sculpteur et peintre se retrouve orphelin à l’âge de quinze ans. Il ne rencontre son père, un militaire dans l’armée espagnole, qu’à l’âge de dix-sept ans. Mécontent de la conduite de son fils, le capitaine général de Burgos abandonnera Manolo dans l’obligation de mendier pour survivre.
Il réussit toutefois à suivre quelques cours de dessin à la Llotja, l’École des Beaux-Arts de Barcelone. À côté, il se rend dans les églises et les cathédrales qui deviennent ses premiers musées. De cette manière, il rassasie son goût pour l’architecture, le dessin et la sculpture. En 1895, il rencontre un jeune garçon de quatorze ans – lui en a 23 – qui restera un ami fidèle tout au long de sa vie, Pablo Picasso. Ils dessinent ensemble et Manolo est invité de temps en temps chez la famille Ruiz pour y partager le repas.
En 1901, sous l’impulsion de Picasso, il monte à Paris. Au cours de cette première année dans la capitale française, Manolo parcourt les musées et esquisse des dessins. Pour subvenir à ses besoins, il dessine et sculpte des bijoux pour des orfèvres parisiens.
En 1902, Léon-Paul Fargue lui présente Déodat de Séverac qui sera un de ses fidèles amis. Ils s’invitent dans les cercles artistiques et amicaux l’un de l’autre : Manolo lui présente Picasso et sa bande au Bateau Lavoir, tandis que Déodat lui fait faire la connaissance de Frank Burty Haviland. Ils se côtoient dans les bars du Quartier latin, au Café de Flore, à la Closerie des Lilas, au Dôme ou au Deux Magots, et au Bateau Lavoir en compagnie de toute la bande à Picasso. Puis ils se retrouvent à Céret, où Manolo s’est installé avec Frank Burty depuis janvier 1910.
Les années suivantes Manolo vit alternativement en Catalogne espagnole et à Céret, où il rend hommage à Séverac en créant une sculpture de sa fille Magali en 1923.
Manolo meurt le 17 novembre 1945 à Caldes de Montbui en Catalogne.