En résumé
Par des mises en parallèle de photographies d’hier et d’aujourd’hui, observez les jeux de ressemblances, de différences, ce que la photographie raconte d’une époque, d’une technique de représentation, d’une intention de photographe…
Photogrammes
Arrangement of specimens est un cyanotype réalisé par Hyppolite Bayard au 19e siècle, sans l’aide d’un appareil photo, en posant les différents tissus, plantes et plumes directement sur un papier à lettres enduit de sels de fer, séché puis exposé au soleil. La technique utilisée amène à regarder de façon différente le tableau photographique. Elle confère à l’ensemble une poésie visuelle par l’étrangeté et la beauté se dégageant de la représentation des différents éléments.
La photographe plasticienne Olivia Fryszowski a réalisé un abécédaire insolite, Traces de lumière, à partir de photogrammes d’objets acronymes. Chaque double page met en effet en regard l’image et un texte autour des lettres. La forme de chacune des lettres de l’alphabet est constituée des photogrammes d’objets, fleurs, insectes, animaux saisis par la lumière.
Vues d’enfants
Fred Boissonnas (1858-1946) est considéré comme l’un des plus grands photographes suisses de la fin du 19e siècle, notamment pour la qualité des tirages de ses portraits et scènes de genre. Il a réalisé une série familiale intitulée « Dans les roseaux » à partir de photographies de ses propres enfants, composées en atelier. Les photos ont été pour certaines publiées dans un livre éponyme, accompagnées des poèmes de Denise Toutant et D. Mon. L’album y raconte en vers les aventures de bébé jouant avec un escargot, une pierre etc. Le photomontage des clichés attire notre regard sur les attitudes pleines de naturel de l’enfant dans ses jeux.
Alain Laboile, artiste plasticien et photographe, tisse un univers sensible très personnel à travers les photographies en noir et blanc de ses propres enfants. Virginie Scoffier, l’auteure, s’est emparée en 2017 de certaines d’entre elles pour imaginer une histoire d’amitié et de dispute entre une petite fille et son chat.
Les clichés d’Alain Laboile capturent dans ces moments saisis sur le vif l’essence de la nature enfantine dans des scènes où l’enfant expérimente une vie sauvage et libre.
Silhouettes en noir et blanc
La photographe américaine Tana Hoban (1917-2006), dont les clichés ont renouvelé le genre de l’imagier en France dans les années 1990, a proposé aux tout-petits des albums cartonnés jouant de silhouettes. Ici dans Qu’est-ce que c’est ? des objets en blanc sur fond noir permettent à l’enfant en bas âge, dont la vue est très sensible aux contrastes, de jouer de sa perception des objets familiers du quotidien.
François Delebecque offre à son tour un imagier en noir et blanc en 2015. Dans son album, il alterne images en blanc sur fond noir et images en noir sur fond blanc… Et le jeu de reconnaissance se prolonge par l’association avec le cliché en couleurs de l’objet représenté. Véritable livre jeu, invitation à la manipulation, l’enfant n’a qu’à soulever le volet pour découvrir les vues réelles des jouets suggérés par leur silhouette.
Poupées mises en scène
La bâche, Amadou acrobate est le troisième volume des aventures imaginées par Alexis Peiry dans les années 1950. Amadou, poupée de chiffon créée et immortalisée par les photos de Suzi Pilet, retrouve confiance en lui dans cet épisode, grâce à la casquette offerte par un routier. Les vues du jeune héros se multiplient dans des décors variés, à la maison, avec son chien Copain, sur un chantier… Le cadrage, la composition et la qualité des photographies mettent en lumière un personnage attachant et volontaire, vivant seul des aventures étonnantes pour l’enfant lecteur des années 1950.
Mathias Robert, artiste sculpteur et dessinateur à l’univers sombre mais non dénué d’humour, propose en 2000 un récit photographique : l’histoire de la poupée Sarah amoureuse de Lon, une autre poupée, qui finit malheureusement mal. Cet album inventif par la mise en scène des photographies et la typologie des poupées ne manque pas d’interpeller à la fois par le contenu du récit que par les détails que recèlent les photos. L’album, par son contenu iconotextuel, peut interroger sur son destinataire : s’il s’adresse à des enfants, il peut en effet également susciter l’intérêt et les questions de lecteurs plus âgés.
Drôles de têtes
Avec Goulu le Meurt-de-Faim, l’artiste Stasys Eidrigevicius illustre d’une manière originale l’histoire d’un ogre qui, pour apaiser son chagrin d’amour, engloutit tout. Cet artiste peintre s’intéresse également particulièrement à la photographie ; il est ainsi passionné par la reproduction des visages dont il observe toujours très attentivement les traits pour réaliser ses productions artistiques. Dans ce conte, un buste photographié arbore une tête différente, dessinée et découpée pour composer un personnage fantastique, inquiétant à l’image du héros dévorant.
L’artiste Jean-Claude Loubières a réalisé de nombreux ouvrages illustrés de photographies, chacun de ses livres interrogeant notre perception du réel et les détournements possibles. La photo trouvée dans un livre, c’est celle que l’artiste a trouvée dans un roman acheté chez un brocanteur. Cette photographie va se modifier progressivement au fil des pages. Ces transformations s’opèrent par la substitution progressive d’éléments de la photo par des fragments d’œuvres picturales attribués à d’autres artistes peintres : Fernand Léger, Henri Matisse… Une recomposition de l’image où l’art envahit le réel.