L'apothicairerie

Thériaque

Pot à thériaque, étain, Languedoc, 1624 © Mairie de Toulouse, musée Paul-Dupuy, Inv. 10 765, cliché M.-P. Chaumet, avec leur aimable autorisation

Cette ancienne préparation pharmaceutique très complexe et très célèbre fut inventée au Ier siècle après J.-C. par Andromaque l’Ancien, médecin de Néron. Il modifia la composition de l’ancien remède grec appelé mithridate en y incorporant de la chair de vipère, dont on croyait qu’elle protégeait du venin puisque la vipère est le seul serpent immunisé aux morsures de ses congénères. Le nom du remède vient du grec theriakos, « relatif aux bêtes sauvages »… ainsi qu’à leurs morsures et piqûres empoisonnées.

Gravure sur bois représentant la préparation de la thériaque, dans : Le Livre sur la distillation, par Hieronymus Brunschwig, vers 1505, Wellcome Library, Londres

La thériaque servit d’abord de contrepoison puis, à force de rajouter des substances médicamenteuses pour tenter d’en augmenter l’activité, elle devint un médicament universel, une panacée utilisée pour guérir la peste, la rougeole, la petite vérole et toute autre maladie contagieuse.

La préparation de la thériaque se faisait sur la place publique, sous l’égide des autorités locales, car elle était l’objet de convoitises, de malfaçons et de pratiques charlatanesques (appelées « triacleries »). À Toulouse, sa confection se déroulait sur la place du Capitole. Les ingrédients étaient conservés dans une chambre de l’hôtel de ville, dont seuls les capitouls avaient la clef. Des affiches publiques annonçaient dans la ville la préparation magistrale. Les représentants du roi et les professeurs de médecine étaient invités en tant que témoins. Le vase qui servit pour la préparation est aujourd’hui conservé au musée des Arts précieux Paul Dupuy.

Aleardo Terzi, d’après D. Ramponi, La manufacture de thériaque à Bologne, 1818, Wellcome Library, Londres

La dernière préparation publique eut lieu en septembre 1790, au lendemain de la Révolution française. La thériaque continua d’être consommée jusqu’à la fin du 19e siècle. Elle figurait encore dans le Codex médical de 1884, puis disparut dans l’édition de 1908.

Pour obtenir de la thériaque, on mélangeait ensemble des dizaines d’éléments, dont les plus importants étaient :

  • la chair de vipère, sous forme de trochisques
  • le castoreum, sécrétion grasse très odorante des glandes préputiales du castor mâle
  • la plante papaver somniferum, sous forme poudre fine
  • le miel, à l’origine de la consistance molle du remède

En additionnant tous ces ingrédients on pensait en cumuler les effets, selon le principe aujourd’hui caduque de la polypharmacie.

Recette de la thériaque, dans : M. Charas, Pharmacopée royale galenique et chymique, Paris, R. Chevillion, 1676, p. 277-278, Bibliothèque de Toulouse, Fa C 1629

La recette fut de nombreuses fois modifiée. Au 16e siècle, le nombre de composants augmenta grâce aux nouvelles plantes que les navigateurs ramenèrent de contrées lointaines. A la fin du 17e siècle, le célèbre apothicaire Moyse Charas (1619-1698) découvrit que le venin de la vipère était localisé dans une glande derrière ses crocs : il était donc inutile d’utiliser sa chair, qu’il supprima de la formule.

Puis, avec le développement des sciences médicales au 19e siècle, on comprit que parmi tous les ingrédients présents seul un était un principe actif, le papaver somniferum c’est-à-dire l’opium.

Médecin crétois. Il exerça à Rome sous le règne de Néron, et devant le succès de sa pratique, devint le médecin de l’empereur. Il fut l’inventeur de la thériaque.

Maître apothicaire et docteur en médecine français. Ce pharmacien a réalisé la première fabrication publique de la thériaque en 1667.